La pandémie  nous a appris à marcher, à sillonner cette campagne de Touraine et d’autres territoires limitrophes ou plus éloignés. Lorsque le temps nous était ainsi compté,  nous nous sommes aperçus que l’air, la terre, les arbres, le soleil… nous était précieux. Cette campagne n’offre pas de vues spectaculaires, mais elle s’offre à nous, dans la solitude et le silence, parfois rompues par des bruissements de feuillage, des envolées et des cavalcades furtives, la vue de troupeaux immobiles qui paissent imperturbablement, mais aussi par le frottement sourd des véhicules qui traversent les départementales dans une course aveugle.

C’est la campagne d’aujourd’hui : ce n'est pas celle des poètes antiques ou de la Pléiade, ni des impressionnistes ou des romantiques, encore moins celle des vedute, mais celle des champs remembrés, des forêts jonchés de bois mort depuis l’interdiction des feux, des hangars d’élevage hermétiques, des ornières et des ronces, des appâts et des miradors, mais aussi des graminées blondes, de cette flore   sauvage et parfois importée, insignifiante,  abondante, et encore diverse, de ces barbelés qui clôturent des centaines d’hectares et des balisages de sentier,  qui dirige   le promeneur dans des lieux accessibles au public. .

Ce journal de campagne  illustré est  une tentative pour déchiffrer le paysage, ses prairies, ses bois et ses hameaux souvent déserts mais néanmoins vivants. Il n’est pas certain que les natifs se promènent mais ils ne sont jamais bien loin et s’étonnent, se méfient parfois,  de notre présence. Ces  "captures de nature" ne les saisissent pas à leur insu. La présence de l’homme est tellement décelable que ce n’est pas la peine d’en rajouter. Autant dire que le paysage parle pour eux, et que  les gens de passage et de traverse  ne peuvent prétendre en savoir plus qu’eux. De même, pour les animaux sauvages, paisibles et inoffensifs dont, en dépit de leur mutisme, on peut aussi respecter la très relative autonomie, sans nécessairement les figer dans un instantané animalier : les photographies ne sont pas retouchées (parfois un peu recadrées), elles sont justes légendées, avec le recours, parfois, d’une documentation succincte, pour essayer de comprendre ce que l’on a sous les yeux. De cet arpentage découle un apprentissage permanent où le corps et l’esprit se mettent en branle, c’est un peu comme cela se présente, sans préparation particulière, par vagabondage assumé, pour progressivement se mettre en retrait, observer toujours et encore.